Volet 3 : Analyse de composition des carottes de glace

Les carottes de glace permettront d’étudier les sources d’humidité via l’analyse combinée des caractéristiques de l’eau (isotopes) et des aérosols (composition chimique). Les régions de basse altitude sont principalement affectées par les sources marines, tandis que les régions d’altitudes intermédiaires reçoivent une forte contribution des systèmes météorologiques de grande échelle, et que les hauts plateaux sont associés à des précipitations dites « diamond dust ».

Des mesures d’isotopes stables de l’eau seront effectuées au LSCE à haute résolution (typiquement 10 échantillons par an) pour le δ18O et le deutérium pour la période 1975-présent, donnant accès à des données d’excès de deutérium. Il est prévu d’effectuer des mesures discrètes à partir de segments successifs de carottes de glace peu profonds, à l’aide du spectromètres de masse du LSCE et d’instruments laser. Parallèlement, LSCE et LGGE développent un système de CFA (continuous flow analysis) couplé avec des mesures lasers. Si ce système est validé à temps pour ASUMA avec une précision analytique comparable à celle obtenue à partir de mesures discrètes (au moins 0,07 pour mille pour δ18O et au moins 0,7 pour mille pour δD), il sera utilisé pour produire un enregistrement à haute résolution (1 cm). Les carottes de glace plus longues seront mesurées avec une résolution de 2 échantillons par an au cours des 100 ou 200 dernières années, respectivement, et comprendront également des mesures de 17O utilisant le spectromètre de masse dédié du LSCE avec une précision de 5 ppm. Si un signal spécifique est détecté à partir de ce profil à faible résolution, d’autres analyses seront effectuées afin d’affiner la résolution. Par exemple, nous souhaitons savoir s’il existe une réponse spécifique du climat de l’Antarctique aux grands événements volcaniques (par exemple, l’éruption inconnue de 1809 suivie de l’éruption de Tambora de 1815). Jusqu’à présent, aucun signal ne ressort de la variabilité (ou du bruit) de fond dans les enregistrements de carottes de glace individuels, ni même dans la synthèse de plusieurs carottes de glace (Goose et al., 2012 ; PAGES 2k, 2013).
Les mesures chimiques à haute résolution (LGGE) des cations (Na+, Mg2 +, Ca2+ et NH4+) et des anions (Cl-, NO3-, SO42- ainsi que le méthanesulfonate (CH3SO3-)) seront effectuées pour la période 1965 (10 échantillons par an). Il est utile d’étendre les mesures haute résolution à 1965 (au lieu de 1975 pour l’isotope de l’eau) pour rechercher l’horizon de référence de l’éruption de l’Agung. Des enregistrements plus longs seront mesurés avec une résolution de 2 à 5 échantillons par an pour les 100 ou 200 dernières années. Là encore, une haute résolution dans la chimie des isotopes de l’eau est obligatoire dans le but de rechercher les couches volcaniques qui ne seraient pas détectables avec une faible résolution temporelle. Compte tenu de la disponibilité des enregistrements d’aérosols à haute résolution à DDU et Concordia (d’échantillonnage quotidien à hebdomadaire), nous tenterons de relier ces enregistrements côtiers et terrestres avec des études de puits de neige de très haute résolution (1 cm) dans le but d’identifier des changements spécifiques de masses d’air telles que l’intrusion soudaine de masses d’air chaudes marines. En cas de succès, cela permettra d’examiner l’évolution de la signature chimique correspondante le long du transect côte/haut plateau et de la trajectoire de la masse d’air.

L’analyse statistique des enregistrements isotopiques de l’eau est prévue afin de caractériser le rapport signal sur bruit en utilisant des carottes de glace représentatives d’une certaine zone. Les analyses de séries temporelles permettront d’identifier l’importance de la variabilité. Les résultats seront confrontés à des calculs de transport d’ humidité obtenus à l’aide de réanalyses atmosphériques utilisant des outils de retro-trajectoire, le projet prévoit notamment l’utilisation du modèle isotopique MCIM appliqué le long des trajectoires (par exemple, Helsen et al., 2006). Nous nous attendons à fournir une nouvelle compréhension des processus qui contrôlent la variabilité de l’excès de deutérium et, inversement, combiner l’excès de deutérium et les enregistrements chimiques afin de détecter les variations spatiales et temporelles de l’origine de l’humidité et des aérosols. La détection des signaux liés aux changements dans l’étendue de la glace de mer est particulièrement critique. L’obtention de carottes de glace récentes permettra d’étudier l’empreinte laissée par l’intrusion accrue de masses d’air marines et humides, et de caractériser l’humidité formée à la limite de la glace de mer. Des études récentes réalisées dans l’Arctique ont suggéré que l’humidité formée à la limite de la glace de mer pourrait être associée à un fractionnement cinétique élevé dû à l’évaporation associée à des masses d’air très sèches atteignant la limite de l’océan (Kurita et al, 2011, Steen-Larsen et al, ). La cartographie de la variabilité spatiale et temporelle à partir de données précises sur l’excès de deutérium, jumelé avec le calcul de l’humidité atmosphérique, devrait permettre d’explorer la validité de cette hypothèse pour l’Antarctique.

Updated on 15 novembre 2016